L'AMAZONIE DES PYRENEES

Mardi 4 juillet 2023
L'Amazonie de Pyrénées

Gourgue d’Asque et Oueil de L'Arros  7km A/R - Dénivelé +170m

                              Météo incertaine le matin et orageuse l'après-midi, encore une fois !... Randonnée de demi-journée donc. Parking près du village d’Asque, en bas du col de Couret, 466m, à 10h.  Ponctué de panneaux explicatifs, un sentier de découverte remonte en rive gauche le ruisseau de l'Arros, qui rejoindra l’Adour dans le Gers 131 km plus loin. Bien alimenté par les pluies récentes, il se faufile dans un étroit vallon boisé en caracolant sur les rochers dans une végétation « hallucinante », comme disent les jeunes. Vous êtes ici dans la Petite Amazonie des Pyrénées ! Grâce à un degré d’humidité proche de la saturation, une profusion de fougères, mousses et lichens exubérants envahit sol, pierres et arbres en cascades échevelées qui mêlent l’ocre et le vert, dans une forêt luxuriante aux allures de jungle.  

                              Nous voici à la Gourgue  d’Asque, 529m, une cinquantaine de minutes après : le torrent s’élargit en vasque  d'eau pure avant de s’étrangler entre deux falaises, où se plaisent les truites. Il y a quelques millions d’années, les eaux profondes et puissantes de L’Arros ont entaillé la paroi rocheuse, creusant  une véritable gorge, cette gourgue, et deux vastes grottes où nichent des cincles plongeurs, capables de nager et marcher sous l’eau à la recherche de larves, invisibles aujourd’hui… Aucune chance d'apercevoir des desmans, petits rats semi-aquatiques au nez en trompette propres aux Pyrénées, ils vivent surtout la nuit et sont en voie d’extinction.  Pas de salamandres non plus, pourtant assez fréquentes ici...

               A la Gourgue dit l’Histoire locale,  trois barons, d'Esparros, de Lomné et d'Asté, se réunissaient afin de régler les litiges. Car cet énorme rocher qui surplombe l’Arros correspondait au seul point de  jonction des frontières des trois baronnies à la fois. Ils pouvaient ainsi discuter d'égal à égal, puisque chacun était sur son propre territoire... Efficace pour ménager les susceptibilités ! 

               Restons en rive gauche à partir de la Gourgue : la piste devient soudain sente boueuse et tortueuse, qui monte et descend en se faufilant dans l’enchevêtrement fantasmagorique des arbres et des mousses. Intrusion dans l’exubérance puissante de la nature, géants aux ramures recouvertes d'une épaisse couche de mousses, lichens qui dégoulinent comme des bras velus et deviennent des créatures étranges tout droit sorties d'un film fantastique…            

                              L’Oueil de l’Arros, 586m, (oueil=œil=orifice=source) une heure après : voici la source ou plutôt la résurgence du torrent : il sort de terre ici et s’unit à l’Artiguette. Les eaux de l’Arros, c’est un mystère : viennent-elles par infiltration du Signal de Bassia, de puits glacés très profonds, de la vallée de Payolle ?...  L'endroit manque de charme et de confort pour le pique-nique : retour donc au parking par le large sentier de la rive droite pour nous restaurer à 13h10. Le soleil brille, les Miss Météo se sont trompées ! 

                              Cap ensuite sur le village de Sarlabous tout proche pour le pot de clôture au Moulin des Baronnies :  propriété de la Communauté de Communes du Plateau de Lannemezan, ce bel ensemble restauré héberge l'Office du Tourisme, un  musée, un beau gîte d’étape, une boutique de produits du terroir, une aire de camping et des espaces détente disposés le long de l'Arros. Ultime halte au moulin familial de la Ribère,  près de Mauvezin , pour y acheter de la farine, bio bien sûr !   

               Et pour finir, un peu d’Histoire, d’Esparros à Versailles ! Si toutes les communes du bassin du Haut Arros sont aujourd’hui réunies pour former les Baronnies, la Baronnie d’Esparros, mentionnée dès le XII°s, ne comprenait que quatre paroisses, Esparros, Laborde, Arrodets et Labastide.

 A la fin du XVI°s, Bernard III de Cardaillac, baron d’Esparros, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, a une fille, Jeanne ; laquelle Jeanne, mariée à Constant d’Aubigné ( le fils du poète Agrippa d'Aubigné), donne naissance à une fille, Françoise d’Aubigné, née en 1635 à la prison de Niort où son débauché de père est incarcéré pour l'assassinat  de sa première épouse et de son amant...

La jeune Françoise, plutôt jolie mais sans le sou, épouse à 16 ans l’écrivain burlesque Scarron, de vingt-cinq ans son aîné et gravement handicapé..Corps difforme et paralysé, mais esprit caustique, « cul de jatte qui ne remue ni pied ni patte » selon ses propres mots, Scarron introduit Françoise dans un milieu  cultivé  car il tient à Paris un salon littéraire. S’il la laisse veuve dix ans après, et toujours sans le sou car il est ruiné, elle dispose d’une pension attribuée par la reine Anne d’Autriche et d’un solide réseau de relations.

                Choisie par la Marquise de Montespan pour éduquer les bâtards royaux en 1669, elle devient Marquise de Maintenon en 1675 et partage ensuite la vie de Louis XIV, le Roi Soleil qui l’épouse secrètement en 1683.

                Presque trente ans dans les coulisses du pouvoir jusqu’à la mort du roi en 1715 pour Françoise, la petite-fille du baron d’Esparros, qui se retire alors à Saint-Cyr, un pensionnat pour jeunes filles nobles désargentées qu’elle avait fondé en 1686 et y meurt le 1° septembre 1719. Un destin hors du commun ! Au Roi-Soleil, Saint-Béat a donné son marbre pour le château de Versailles, la famille d’Espagne-Montespan une belle marquise sensuelle, et la Baronnie d’Esparros une compagne de cœur pour le Soleil... couchant !

IMOHTEP, le scribe des mardis de L’ACCUEIL.

Date de dernière mise à jour : 09/07/2023