Mardi 9 août 2022
La cascade d’Ars, 1285m ou 1490m.
Dénivelé ad libitum +530 ou 720m.
Départ à 9h15 dans le premier virage du col de La Trappe, 770m, à la sortie d’Aulus-les-Bains : une piste monte en douceur dans la forêt. Elle se scinde une bonne demi-heure après en deux : à droite la cascade du Fouillet, droit devant la cascade d'Ars.
Avec ses 250m de chute en trois paliers, c'est la seconde des Pyrénées après Gavarnie, et la plus belle selon le comte Henry Russell, le célèbre pyrénéiste du XIXe siècle qui les avait toutes vues ! L’avis d’un expert, qui consacra quarante ans de sa vie aux sommets des Pyrénées, effectua en 1904 sa 33ème et dernière ascension du Vignemale à 70 ans et fut l’ami du bâtisseur du château de Valmirande, le baron de Lassus, montagnard lui aussi !
Le GR 10 vient peu après emprunter notre piste qui va devenir sentier, la forêt s'éclaircit et voici à 10h25 le pont d'Artigous qui enjambe la rivière d’Ars, le torrent né au pied du Pic frontalier de Turguilla, 2527 m, qui va aller se jeter dans le Garbet à Aulus-les-Bains.
Passé le pont, la sente grimpe alors rive droite en lacets bien sentis avant de reprendre un flanc plus doux ; l'Ars ne bouillonne pas comme au printemps mais remplit de très belles vasques de ses eaux claires où il ferait bon se baigner.... Et soudain, la cascade éclate au fond du vallon qu’elle barre d'un long sillon vertical qui tombe du ciel et entaille la forêt avant de se briser en deux paliers successifs sur les parois rocheuses ! Le «désordre sublime» dont parlait Chateaubriand en voyage au Nouveau Monde, stupéfait devant la puissance sauvage des eaux…
Quelques minutes encore et voilà le pied des ultimes sursauts de la cascade dans un chaos de rochers. Il arrive souvent que les flots écumants soient couronnés d’un arc en ciel, une écharpe irisée sur un lit de vapeur, qui ne se déploie pas aujourd’hui…
Deux ou trois lacets et on peut accéder à une plate-forme rocheuse sur la droite, 1285m, au pied d’un ressaut. L'endroit idéal pour pique-niquer… Il est 11h45.
Deux d'entre nous continuent en aller/retour (200m supplémentaires de dénivelé et 2h de marche A/R) jusqu'au sommet de la cascade, 1490m, tout là-haut. Une montée soutenue et ardue sur une sente malaisée, terre et cailloux, pour atteindre un vaste replat herbeux cerné de pics, où l’Ars, un ruisseau tranquille, va soudain se ruer dans le vide! Pique-nique rapide avant de revenir retrouver le gros de la troupe qui a entre-temps commencé à descendre.
Et en route pour un pot à Aulus, 150 habitants aujourd'hui, 900 à la moitié du XIXè siècle. Un premier établissement thermal y est créé en 1829, où l'on soigne notamment le cholestérol, les premiers curistes ayant été accueillis à coups de fourche, dit-on, par les habitants ! Outre l'exploitation de mines de plomb argentifère, l'activité thermale en a fait un bourg prospère desservi par une ligne de chemin de fer Oust-Aulus de 1914 à 1936 (dont il reste aujourd'hui la route des tunnels entre Lacourt et Kercabanac), avec casino et journaux locaux, "Aulus Mondain" ou L'Avenir d'Aulus". En 1941 et 1942, 585 juifs étaient assignés à résidence à Aulus-les-Bains, l'occupant estimant que la barrière naturelle des Pyrénées formerait la plus efficace des prisons. C'était compter sans les Passeurs ! L'un d'eux est devenu célèbre, la bergère Jeanne Rogalle, morte à 94 ans en 2015, qui a reçu la Légion d'Honneur et le titre de "Juste parmi les Nations" ainsi que son père et son mari, rencontré justement sur un sentier de passage : leurs noms sont gravés dans le jardin des Justes à Jérusalem.
Ah, j'oubliais, avez-vous remarqué sur le sentier entre le pont d'Artigous et le pied de la cascade, une sorte d'oeil vertical gravé sur un rocher ?... C'est l'oeuvre de Claudius de Cap Blanc, un artiste ariégeois atypique ou déjanté (les avis divergent...) qui a fait parler de lui en Ariège depuis une trentaine d'années : il a gravé par centaines ces drôles d'yeux, des vulves en fait, pour rendre hommage à la femme, "la matrice donneuse de vie", sur les rochers des sentiers de randonnée, devant les fontaines, les églises ou les monuments aux morts... Il s'est attiré bien sûr avec son "art vulvaire" les foudres des mairies, de randonneurs outrés et d'élus qui ont porté plainte. Résultat, après avoir estampillé en 2013 l'entrée de la grotte du Mas d'Azil, une condamnation en justice (2 mois de prison et 6 000 € d'amende) ! Finir au trou quand on dessine des vulves, quoi de plus normal en somme ? Fermés après cette affaire, son atelier et le musée de ses créations, l'Affabuloscope, vient de rouvrir au public au Mas d'Azil. On y découvre des machines insolites, le judas portatif, le sèche-larmes, l'embouteilleur de nuages, la mamosphère, la machine à tourner en rond, le retardateur d'échéance, le pèse-mot par exemple. Une oeuvre insolite et monumentale qui vaut sans doute une visite !
IMOHTEP, le scribe des mardis de L’ACCUEIL.