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COL D'AYENS COL DE BES
Mardi 25 janvier 2022
Cols d'Ayens 958m et de Bès 969m en boucle (point haut 1048m)
Dénivelé +380 / +490m ad libitum. 9,5 / 9,8 km.
Grand ciel bleu et froidure ce matin, mais froidure s'en ira et ciel bleu restera ! Cap sur la commune ensoleillée de Soulan, entre Saint-Girons et Massat. Parking à Saint-Pierre de Soulan, le hameau principal des onze qui constituent cette commune de 376 habitants au total, très peu peuplée donc. Elle était autrefois connue pour ses colporteurs spécialisés en particulier dans les lunettes et les pierres à faux extraites dans la carrière voisine d'Aleu.
En bas coule l'Arac, une petite rivière torrentueuse de 27km de cours née sur les pentes du Pic des Trois Seigneurs, qui s'en vient confluer ici avec le Salat, au lieu-dit Kercabanac, pour y former les Gorges de la Ribaute, une glacière de sept km givrée ce matin... On va se geler, pensez-vous ? Que non car au sortir des gorges une petite route monte sur la soulane, le versant déjà ensoleillé en ce matin d'hiver.
Départ donc à 10h de Saint-Pierre de Soulan, 630m, pour monter jusqu'au col d'Ayens, 958m. Deux heures champêtres, ponctuées de bons raidillons. Si vous soufflez un peu, profitez-en pour regarder en arrière : le paysage s'élargit peu à peu sur les sommets ariégeois du Haut-Salat,, qui se déroulent tous devant vous à l'arrivée au col, un grand replat où se dresse une table d'orientation. Un belvédère superbe, accessible d'ailleurs en voiture, où convergent plusieurs pistes d'exploitation forestière, car le massif a fait l'objet d'un reboisement depuis les années 60. Beaucoup de pins, hélas envahis de nids de chenilles processionnaires...
Près de la table d'orientation, deux énormes blocs de pierre abandonnés là par un glacier se touchent presque. "Lorsque les roches se toucheront, les filles s'en iront embrasser les garçons", dit une antique tradition. La jeunesse venait donc ici faire la fête pour" vérifier" les pierres...
Deux de ces pistes boisées permettent justement de rallier le col de Bès, l'une à flanc quasi plat, l'autre en crête, qui franchit deux mamelons (cote 1048, soit un dénivelé supplémentaire d'une centaine de mètres), avant de redescendre rudement vers le col. La troupe de divise en deux, les uns par en haut, les autres par en bas, et se retrouve une demi-heure après pour le pique-nique à midi et demi au col de Bès, 969m. Un belvédère encore sur les sommets enneigés et la vallée où s'étire le gros village de Soueix.
13h45 : descente en boucle par Bigourtère et Ardichen, avec ici et là des granges joliment rénovées. parking à 15h15.
Et un peu d'Histoire locale pour clore cette belle journée :
Inspiré de tous ceux qui fuirent la misère en Ariège pour les Amériques au XIX°s, le roman de Loup Duran "La porte de Kercabanac" (en bas de Saint-Pierre justement), raconte le destin d'un village du Haut-Salat dont les 76 habitants partirent en 1856 s'installer au Brésil dans l'espoir d'y faire fortune, comme le promettaient les recruteurs mandatés dans nos campagnes par ce pays neuf... Roman adapté au cinéma en 1992 sous le titre "les Cavaliers aux yeux verts", une aventure picaresque, avec notamment Irène Papas et Xavier Deluc.
Quelques mots sur le Musée des colporteurs de Soueix tout proche. Visite recommandée ! C'est un magasin ancien à la fois épicerie, quincaillerie, mercerie, bijouterie, objets de piété, très actif de 1822 à 1965, légué à la commune en bon état de conservation en 2005, locaux, stock, courriers et archives. Archives précieuses car elles montrent la vie des colporteurs, plus d’un millier, qui s’y approvisionnaient avant de partir sillonner la France, l’Espagne, l’Italie, l’Algérie et même les Amériques, caisses de bois suspendues au cou, d’où leur nom de col-porteurs… La Maison Souquet de Soueix les réapprovisionnait au bout du monde à la réception de leurs courriers écrits à la vieille plume Sergent Major… Une époque disparue revit ici et vous plonge avec émotion dans les souvenirs d’enfance, amidon, dentelles, boutons, ventouses, lampes Pigeon, pâtes Rivoire et Carré, chocolat Suchard, breloques, missels, images pieuses, robes de baptême, objets dont les stocks impressionnants montrent la vitalité du magasin autrefois…
Un mot enfin sur les montreurs d’ours, dont certains s'en allèrent aussi jusqu'en Amérique après avoir capturé et dressé des oursons, achetés ensuite dans les Balkans quand il n’y en eut plus assez dans la montagne... Ils jouèrent un rôle non négligeable en Ariège lors des événements qui suivirent la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat : en mars 1906, ils amenèrent leurs bêtes devant l’église de Cominac pour s’opposer à l'inventaire de ses biens du clergé et les Autorités firent prudemment demi-tour devant les grognements des ours, toutes griffes dehors… A Ercé, où il y avait même une école de montreurs d’ours jusqu’en 1914, une exposition de photos anciennes leur est consacrée.
Pauvres gens du Haut-Salat, ils furent donc nombreux à partir tant la vie était rude... Revenus au pays ou restés en Amérique, tous ont l'Ariège chevillée au corps : il y a à New York dans Central Parc le Rocher d'Ercé, leur point de ralliement, et des Américains viennent ici l’été chez les cousins de la vallée. Au bord de la route, vers Lacourt, une bâtisse ancienne en témoigne : elle porte encore son enseigne sur la façade, le "Café des Américains"...
Imohtep, le scribe des mardis de L'ACCUEIL.
Date de dernière mise à jour : 28/01/2022