SOMMET D'HERBE ROUGE
31 janvier 2023
Le sommet d’Herbe Rouge 1052m / Dénivelé + 440m
L'Herbe Rouge, c’est la crête de la falaise d’escalade de Troubat, en vallée de la Barousse. Un drôle de nom ! Rouge peut-être comme les bruyères abondantes sur ce sol calcaire, qui colorent l’herbe rase de leur floraison rose pourpre à l'automne....
10h : départ à 630m d’altitude, au pied de la falaise de Troubat, où se déroulèrent en 1986 les championnats de France d’escalade, le rocher présentant de multiples voies de montée, toujours appréciées des adeptes de ce sport.
En bas à droite, Bramevaque et les ruines de son château médiéval, où fut reléguée par son époux la comtesse Marguerite de Comminges. La légende raconte qu’elle exigeait pour ses repas la chair d’un enfant. Problème d’approvisionnement ou compassion pour les jeunes victimes, le cuisinier égorgea un jour en lieu et place un petit veau, que sa mère appela désespérément (en patois brame vaque/ la vache qui meugle ). La comtesse, intriguée par ces meuglements terribles, questionna ses gens, qui finirent par avouer la vérité. La douleur des mères du village lui sauta alors aux yeux et elle renonça à l’anthropophagie.
La réalité est tout autre, bien sûr. Héritière des comtes de Comminges, et donc enjeu d’alliances entre les maisons comtales d'Armagnac et de Foix, Marguerite fut mariée à douze ans au comte d'Armagnac, assassiné en 1418. Elle dut épouser ensuite le vicomte de Pardiac, un autre Armagnac, qui décéda aussi. Ses troisièmes noces la livrent enfin à l'âge de 56 ans à Mathieu de Foix, 31 ans. Pour une raison inconnue (rumeurs sur Pardiac mort empoisonné, dot non intégralement payée à Mathieu par la famille de Comminges, désir de jouir librement des biens de la vieille mariée...), le fringant mais désargenté jeune époux la relègue à Bramevaque dès le début de leur union. Et elle y restera 22 ans ! Le roi de France Charles VII a beau intervenir pour sa libération, elle ne retrouve la liberté qu’en 1443 et meurt quelques mois après. Négociations il y eut bien sûr : Mathieu obtient le Comminges en viager, mais sous condition de le remettre à la couronne de France à sa mort. Ce qui fut fait en 1453. Des lieues donc entre la légende et l’Histoire ! Plus qu’une ogresse, Marguerite semble avoir été la victime d'affrontements entre grands féodaux...
Un petit bout de route longe le pied de l’impressionnante falaise de Troubat, devient rapidement piste caillouteuse en balcon sur la vallée de la Barousse et l’entrée de la vallée de Luchon. Après un énorme rocher dressé comme un menhir trapu, on quitte quelques minutes cette piste abandonnée qui desservait d'anciennes carrières où l'on descend justement en un rapide aller/retour : on y a longtemps exploité le calcaire dolomitique (d’où les pistes qui permettaient d’accéder en haut et en bas du site d'exploitation). Trois ou quatre lacets caillouteux ensuite et l'on quitte la piste pour une sente qui attaque l’herbe rase de la croupe parsemée de pierres. Montée bien sentie où s’étire bientôt le ruban des randonneurs ! Ouf, nous voilà sur la crête ! Le panorama s’est progressivement élargi d’est en ouest : Crabère, Montlude, Puech, Pic du Gar, Bacanère, crêtes du Port de Balès, Montaspet, Tourroc, Pic de Cau… La sente monte maintenant en douceur le long de la crête ourlée d’arbres maigrelets où la vue embrasse montagnes et vallées, et voilà la grande croix de L’Herbe Rouge, 1052m, qui émerge soudain entre quelques chênes rabougris. Une très large vue sur les vallées de Luchon et de la Barousse dominées par l'écrin de leurs sommets enneigés. Et en prime, la plaine au nord. Parés pour le pique-nique à 12h20.
Cette croix, c'est l'une des trois croix de Barousse. En 1942, trois moines belges, sans doute des Dominicains qui séjournaient au couvent de Gembrie, proposèrent de dresser trois croix de béton sur trois sommets. Qui étaient-ils donc, les “moines blancs" ? Pourquoi avaient-ils proposé ces trois sites entre plaine et haute montagne, qui formaient un triangle équilatéral ?... Les prêtres et les religieuses de la Congrégation de Saint-Joseph qui dirigeaient l’hospice expliquèrent que ce triangle symbolisait simplement le Père, le Fils et le Saint-Esprit mais il se murmura que ces croix, même si elles avaient été élevées pour la Gloire de Dieu, pouvaient servir à autre chose, par exemple de repères aux pilotes alliés pour des largages…
Descente à 13h20, et retour au parking à 14h50. Un joli tableau nous y attend : un troupeau de chèvres, chevreaux et boucs nous y accueille en quémandant pain et gâteaux : il vit là en toute liberté depuis des années, abandonné par un berger écologiste parisien reparti dans la capitale, semble-t-il... Et Williams a en outre l'heureuse surprise de photographier, perché tout en haut de la falaise, un gypaète barbu.
IMOHTEP, le scribe des mardis de L’ACCUEIL.