LES GRANGES DE BALAGUE
Mardi 12 mars 2024
Les crêtes du Sarrat de Balagué, point haut 1080m.
Dénivelé +530m 9km en boucle
Soleil et douceur dans la petite vallée ariégeoise de Balaguères (l'une des quatre vallées du Castillonnais avec celles du Biros, de Bethmale et de la Bellongue), une commune qui regroupe trois villages, Balagué, Agert et Alas, rattachés autrefois à la seigneurie d’Aspet. 197 habitants en 2021, 1390 à la Révolution...
10h : départ du village de Balagué, 655m. Une grimpette assez vive permet de s’élever rapidement d’une centaine de mètres avant de prendre le flanc sur la gauche, en balcon sur les sommets ariégeois enneigés. Ici et là une grange et des buis, jusqu’aux granges de Pla, 980m, un beau hameau d’estive rénové. Un court raidillon et voici le belvédère du Sarrat de Balagué, une crête où s’étire un autre hameau d’estives, 1020m. Ces granges d'altitude, où l’on stockait le foin destiné au bétail pendant la période hivernale, étaient bâties par commodité près des prairies de fauche et non au village, d’où le qualificatif de granges foraines, du latin foras/ à l’extérieur. Le foin était entreposé au grenier, le rez-de-chaussée occupé par les animaux que l’on venait abreuver et nourrir en laissant tomber du foin par une trappe au dessus des rateliers.
Arrivée donc au Sarrat, 1020m, vers 11h45.
A gauche, un tuquet herbeux fait l’unanimité : en haut de ces prés, se dressent quelques granges où subsistent quelques traînées de neige. Il fera bon y pique-niquer ! Et la vue, déjà belle, y sera encore plus large ! Un passage un peu broussailleux, que René dégage au sécateur, et vous voilà perchés là haut une demi-heure après. Crabère, Calabasse, Maubermé, Valier, Bouirex et Trois Seigneurs étirent leur blancheur sur le bleu du ciel au dessus de la vallée de Balaguères.
Descente en boucle vers 13h30, en rejoignant d’abord les granges du Sarrat, puis en descendant un peu et remontant rejoindre une piste au nord, avant de la quitter pour suivre une sente abrupte et caillouteuse qui plonge vivement sur le village en n’offrant qu’un seul petit replat, là où se dresse la petite Croix du Seignadé. Le "Seignadé", du sang a dû couler ici autrefois... Retour à Balagué à 15h45.
Au bout du village, près de l’église, se dresse la maison où furent tournées en 1982 certaines scènes du film Le retour de Martin Guerre. Assez délabrée… La vallée bourdonnait autrefois de vie : ruelles, balcons de bois, torchis et colombages, vieux fours à pain au premier étage en saillie sur la rue. Pour les besoins du film, ce fut sans doute la première commune d’Ariège à posséder un réseau électrique souterrain ! Les habitants se souviennent du tournage : on vous dira que, si Nathalie Baye appréciait peu de voir ses mains souillées de terre, Gérard Depardieu buvait volontiers un canon cul sec avec les villageois !
Ce film retrace une étrange affaire d’usurpation d’identité, qui s’est déroulée au XVI° siècle au village d’Artigat, entre Saint-Girons et Pamiers. En 1548, après un litige, un certain Martin Guerre avait abandonné village, famille et épouse. En 1556, le voilà de retour : il a changé certes, mais il clame son identité, livre des détails sur sa vie passée ; il convainc son épouse Bertrande et la plupart des villageois qu'il est bien Martin Guerre, quoique quelques doutes subsistent, notamment dans la famille qui ne voit pas d’un bon œil rappliquer un héritier et se profiler un partage… Il vit depuis trois ans avec Bertrande et son fils, quand surgit soudain un autre homme qui affirme aussi être Martin Guerre… Et il s'avère que celui-là est le vrai : un procès se déroule donc en 1560 à Rieux Volvestre, où furent tournées d’autres scènes du film, puis à Toulouse : un nommé Arnaud du Tilh[] a bien usurpé l’identité de Martin Guerre, et Bertrande a sans doute pris part à la tromperie, car un mari lui permettait d’échapper à la tutelle de la famille… Et le faux Martin, incarné à l’écran par Depardieu, était plutôt beau gosse avec trente ans et cinquante kilos en moins, ce qui peut aussi expliquer… L’usurpateur, passé aux aveux, fut []pendu et brûlé.
Direction Castillon pour partager le pot avec les copains qui ont fait une boucle à flanc de vallée entre Moulis et la Chaussée des géants à Alas, dite aussi Jardin de pierres, un lieu insolite sur la rive droite du Lez !
Il y a une quarantaine d’années, Robert Mathey, un retraité du village, a voulu aménager une petite terrasse pour pêcher et prendre le frais au bout de son jardin, au ras de l'eau. Et de pierre en pierre, avec des matériaux de récupération charriés par le torrent, galets, ferraille, morceaux de verre ou de céramique, il a érigé là, pendant 25 ans et jusqu’à sa mort en 2008, d’énormes totems d’inspiration aztèque ou indienne qui vous fixent de leurs grands yeux morts. Le temps et les crues du Lez en ont emporté certains au fil des ans et cette année encore la sirène a disparu...
Imohtep, le scribe des mardis de L'ACCUEIL