LAC DE BADET

Mardi 20 septembre 2022

Le lac de Badet en boucle

depuis Piau Engaly, 2084m.

D + cumulé 340m, 7,5 km A/R

Un ciel automnal d'un bleu pur pour une journée encore très estivale ce mardi. Niché au fond d'un vallon à 2084 mètres d'altitude, le lac de Badet (4000m2 à peine) est une petite merveille, tant le paysage alentour est grandiose d'un bout à l'autre de la randonnée. Facile d'accès, il est très fréquenté l'été mais nous y sommes pratiquement seuls aujourd'hui, observés par des colonies de marmottes. C'est l'un des bonheurs de cette randonnée ! A la fin de l'été, les marmottes adultes pèsent entre 5 et 8 kilos, gavées de nourriture pour constituer les réserves de graisse qui leur permettent de survivre en hibernation. Elles vivent alors au ralenti pour ne pas les brûler trop vite : leur température corporelle chute de 37 à 7 degrés, leur cœur ralentit à 4 ou 5 pulsations par minute et elles se serrent les unes contre les autres dans le nid d'herbe sèche qu’elles ont aménagé au fond de leur terrier, les adultes servant de bouillotte aux jeunes (3cm et 30g à la naissance fin mai…) qui sinon ne survivraient pas. Elles se réveillent environ toutes les trois semaines (on suppose que leur organisme ne supporterait pas une léthargie ininterrompue) et s’en vont uriner dans une galerie annexe réservée à cet usage, afin de ne pas souiller le nid. A la fin de l’hiver, elles ont perdu la moitié de leur poids et doivent donc le reconstituer pour affronter l’hiver suivant !

Départ de la station, 1865m, à 9h55. Une piste abrupte (à remonter au retour...) descend au télésiège des Mouscades, 1826m. On la laisse très vite pour prendre un sentier sur la droite, qui franchit un peu plus loin le torrent du Badet pour passer rive gauche. Un panneau : nous voilà en limite du Parc National du Néouvielle. Passage à la Cabane de Moune, 1850m. A peine vingt minutes de marche et la vue est déjà, et ne cessera d'être, superbe ! Les remontées mécaniques sont invisibles de ce côté-ci, excepté les Mousquères près du parking.

Le vallon du Badet s'étire au pied de hauts sommets qui vont dresser une longue barrière dénudée et rocheuse jusqu'au lac : pic de Campbieil 3051m (derrière lequel, si le coeur vous dit, vous avez les lacs d'Orédon et Cap de Long, 5km à vol d'oiseau...), Lenquo de Capo 2716m, Soum des Salettes 2978m, Pène Blanque et sa falaise illuminée de soleil 2842m. Et nous, au pied de cet univers minéral, minuscules dans le vallon herbeux... Des marmottes, ici et là près des éboulis de rochers. Deux isards aussi, repérés par l'oeil acéré de Williams, qui a fort à faire aujourd'hui pour photographier les marmottes !

Le sentier suit maintenant le torrent en douceur. Une dizaine de minutes après, un second pont qui mène seulement à une cabane sur l'autre rive, 1875m, une très belle bergerie, soudée à un énorme rocher. Nous sommes quasiment toujours à l'altitude du parking... Il va bien falloir que la sente se décide à monter ! Un quart d'heure de douceur encore au ras de l'eau et nous voilà au bas d'une cascade. Il est 10h40 et nous sommes à peu près à mi-chemin du parcours ; de cascade en cascade, et elles cabriolent encore joliment, on va maintenant prendre assez abruptement de l'altitude par le flanc droit !

Une bonne heure après, un petit pont nous dépose en rive droite, près d'une bergerie toute neuve, où le berger vend l'été son fromage. La pente s'adoucit et soudain jaillit le joli petit lac de Badet adossé à un éperon rocheux. Il est midi, en place pour le pique-nique. Nous sommes au fond du vallon qui s'est élargi en tourbières ; un troupeau de vaches y broute paisiblement. La sente continue, plutôt rude, vers la Hourquette de Chermentas, les lacs de Barroude et la frontière. Sans nous ! Williams, immobile sur un éboulis, guette les marmottes et va en oublier de manger !

Retour à 13h45, en rive droite cette fois. Après une bonne descente, nous revoilà au ras de l'eau, puis sur une piste de ski. Des marmottes encore, qui nous observent, toutes proches, sur un pierrier. Pénible, la remontée au parking en pleine chaleur ! Il est 15h10, regroupement pour le pot autour de la glacière de Christian.

Et un peu d'histoire pour finir ! Sur la route, en bas des lacets qui montent à Piau-Engaly, la chapelle romane de l'Hospice du Plan d’Aragnouet, attire le regard. Bâtie au XII°s par l'Ordre religieux des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, elle est appelée à tort chapelle des Templiers. Tous les établissements de ce type, Hospice voisin du Rioumajou, Hospice de France à Luchon, assuraient la surveillance et la protection des passages transfrontaliers.

Il faut imaginer les Pyrénées parcourues dès le Moyen Âge par colporteurs, bergers, tâcherons et même contrebandiers, qui trouvaient refuge dans les Hospices. Au pied de chaque col ou port, côtés espagnol et français, se dressait autrefois un de ces lieux d’accueil qui offraient au voyageur abri, aide matérielle, gîte et couvert dans les hospices, ainsi qu'une aide spirituelle et médicale dans ces hôpitaux tenus par des ecclésiastiques. Telle était depuis le XI°s la tâche de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui deviendra par la suite l'Ordre de Malte.

L'origine de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ordre religieux et militaire comme l'Ordre du Temple, remonterait à la fin du XI°s, d'abord à Jérusalem et en Terre Sainte, puis dans toute l'Europe catholique. Comme le Temple , il assume rapidement une fonction militaire pour défendre les pèlerins qu'il accueille et soigne et pour combattre les Sarrasins en Terre Sainte. Après l'expulsion des Croisés par les sultans mamelouks en 1291, l'Ordre s'installe à Chypre et à Rhodes pour poursuivre sa mission de rempart de la chrétienté. À la suite de la disparition de l'ordre du Temple en 1314, les Hospitaliers reçoivent leurs biens, ce qui fait d'eux l'ordre le plus puissant de la chrétienté. Expulsé de Rhodes en 1523 par la conquête turque, l'Ordre s'installe à Malte en 1530, dont il est considéré comme le souverain par décision de Charles Quint.