MAIL DE MAUBOURG ou TOUR DE BARBAZAN

Mardi 16 janvier 2024

Mail de Maubourg, 746m, 4km A/R,  dénivelé +300m
   OU
  tour de Barbazan 6km/dénivelé +100m

Météo incertaine, deux randonnées au choix, le matin seulement, avant le pique-nique pris en commun à Izaourt.

               Départ d'Izaourt pour ceux qui attaquent la montée, courte mais raide, au Mail de Mau Bourg. 2h30 aller/retour sur une sente boueuse et glissante aujourd'hui... Une croix en haut, et un belvédère superbe sur les sommets que détaille depuis l'été 2023 une table d'orientation montée à dos de mule, financée par les trois villages d’Izaourt, Bertren et Anla qui se partagent territorialement le sommet.

              

               "Mau Bourg", c'est "le bourg mauvais, le bourg du mal".   Des débris de vaisselle et de poteries du Moyen Age ont été retrouvés là haut, sur le replat : chassés des villages, des cagots (lépreux, infirmes, goitreux et autres pauvres gens atteints d’anomalies physiques) s’y seraient établis. Ces malheureux parias et leur descendance étaient soumis à des règles strictes dans leurs contacts avec le reste de la population car ils étaient supposés porter le mal et le malheur en eux : « Je te défens enter ès église, marché, moulin et lieux ès quels y a affluence de peuple. Et te défens entrer ès tavernes et maison hors celles en laquelle est ton habitation. Je te défens toucher compagnie d'aultre femme que celle que tu as espousée. Je te défens toucher aucunement enfant et ne leur donner ce que tu auras touché. Je te défens manger et boyre en autre compagnie que lépreux et sache que tu quand tu mourras tu seras enseveli en ta maison si ce n'est de grâce qui te sera faite par le prélat ou ses vicaires ». Superstitions, répulsion et malédiction très répandues au pied des Pyrénées, qui perdurèrent 800 ans, dans les faits sinon dans la loi, pratiquement jusqu’au XX°s ! Il y a d’ailleurs à Arreau un musée des cagots, le seul de France.  Et dans nos vieux villages, on trouve parfois la rue, la fontaine, le porche, le bénitier des cagots… 

               

                 Et cette croix, perchée là-haut ? C’est une croix de mission, comme il y en a partout en France, croix dressée à chaque passage d'un missionnaire venu prêcher la parole de Dieu. Voici l’histoire de celle-ci, rapportée par Jackie Mansas, une passionnée d’histoire locale. En 1942, trois moines belges qui séjournaient au couvent de Gembrie rendirent visite aux maires et aux curés de Bertren, Anla, Troubat, Thèbe, Gaudent et  Aveux. Ils avaient le projet d’élever trois grandes croix en béton sur trois petits sommets du coin. Tout le monde était d’accord, il fallait bien attirer la Bienveillance Divine pour que la guerre se termine par une victoire des Alliés ! Trois sites furent choisis, le mail de Maubourg à Bertren, le Pic de Cau à Gaudent et l’Herbe Rouge à Troubat.

Les Allemands qui occupaient la région avaient décidé de la quantité de matériaux que recevrait chaque commune. A Berten, on constitua des équipes le soir même au bistrot. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et les femmes, les jeunes garçons et les grands-parents proposèrent leur aide avec joie car bien des hommes étaient prisonniers ou dans le maquis et il fallait des bras pour monter là-haut les matériaux...  Ceux qu’avaient octroyés les Allemands étant insuffisants, on décida de subtiliser à l’usine des sacs de ciment supplémentaires pour réaliser une croix solide qui défierait le temps ! Trois hommes portèrent sur leurs porte-bagages les sacs autorisés en plein jour, les autres la nuit…  D’autres firent des allers et retours pour monter des outres remplies d’eau car il n’existe pas de source dans le massif. Célestin Bon, qui possédait l’étable et les terres d’Ardoun, leur offrit de se ravitailler en eau à son puits. Et le ballet recommença par l’autre versant. 

Un dimanche enfin, les habitants de Bertren, Izaourt,  Ilheu  et Anla, curés en tête, montèrent inaugurer la croix dite "de Bertren" en chantant des cantiques. On remercia les trois moines blancs d’être venus de si loin pour créer une si belle œuvre. C’était la dernière croix érigée sur les trois, qui forment ensemble un triangle équilatéral, entre la plaine et la haute-montagne. Le symbole du Père, du Fils et du Saint-Esprit, sans doute. Mais certains murmuraient que ces moines bien vite repartis avaient peut-être dressé des repères pour les pilotes alliés…

Nos randonnées nous ont menés un jour ou l’autre jusqu’à ces trois croix, et ce sont trois belvédères exceptionnels sur vallées et sommets !

                              Départ du lac de Barbazan pour l'autre groupe. Une balade tranquille de 2h15, sentiers et petites routes, au fil de l'Histoire.  

               Ce petit lac forme avec ceux de Saint-Pé d’Ardet et Lourdes, le trio des lacs glaciaires  morainiques des Pyrénées,  derniers  vestiges  de vastes lacs nés  de la fonte des glaciers en partie basse des vallées. Celui de Barbazan est ainsi le reliquat ultime d’une immense étendue d'eau qui s’étirait jusqu’à Valentine… Et la légende s'en mêle, bien sûr ! Saint Pierre et Jésus, habillés comme de pauvres hères, auraient été repoussés par les habitants du village alors qu’ils demandaient l’hospitalité. Une eau puissante jaillit alors de la terre et engloutit le village et donna naissance au lac.

               Sur la rive de ce lac, dit l'Histoire,  le roi de Judée Hérode Antipas II, contemporain du Christ, venait ruminer ses griefs contre l’empereur Caligula qui l’avait destitué et exilé en +39 à Lugdunum Convenarum, notre Saint-Bertrand-de-Comminges, où il mourut. Quelques années auparavant, il avait ordonné la mort de Jean le Baptiste, qui l’accablait de reproches pour avoir épousé sa nièce Hérodiade, encore mariée. Salomé, la fille de ce premier mariage, avait un soir dansé devant lui [] et, subjugué par sa beauté sensuelle, il s’était engagé à réaliser son désir le plus cher. Et la belle danseuse avait réclamé la tête de Jean Baptiste, offerte sur un plateau !  Hérode avait fini par s'exécuter, un garde avait décapité Jean dans sa prison et présenté sa tête à Salomé, qui l'avait offerte à sa mère Hérodiade[.

               Ce beau ]Et cetrio se retrouva un jour exilé à Lugdunum Convenarum, pour raisons politiques bien sûr, et non pour la mort de Jean ! Et selon la légende cette fois, Salomé mourut un jour en dansant sur le lac gelé de Barbazan, ivre de sa beauté : le soleil illumina sa grâce, mais fit fondre la glace ! On la retrouva morte, sa tête seule dépassant de la glace qui enserrait son cou, comme posée sur un plateau d'argent…          

                             

                              Vous voilà arrivés au château de Barbazan. Abrité des regards par ses murs et le feuillage de ses arbres, c'est une demeure privée, remaniée au cours des siècles sur le site d’un château féodal. Le seigneur Manaud de Barbazan fut évêque de Comminges de 1390 à 1422. Le baron Arnault-Guilhem de Barbazan, dont le portrait orne la salle de la mairie, fut honoré des titres de « Chevalier sans reproche » et « Restaurateur du royaume et de la couronne de France » par le roi Charles VII en 1432, car, toujours fidèle à la monarchie, il remporta de nombreuses victoires contre Anglais et Bourguignons et participa aux côtés de Jeanne d’Arc à la libération d’Orléans. Privilège insigne, le roi lui permit de porter, lui et ses descendants, les trois fleurs de lys de la royauté et le voulut enseveli à ses côtés dans la basilique Saint-Denis. Les seigneurs de Barbazan continuèrent ensuite à servir honorablement dans les armées de la France.  Tradition militaire oblige, il en est un, au XVIII°s, qui ébranlait la vallée de coups de canon tous les vendredis à midi : le dimanche, il conviait en effet à sa table les chanoines de Saint-Bertrand-de-Comminges à tour de rôle et deux antiques canons installés sur la terrasse du château annonçaient à tous l’invité du dimanche suivant : un coup pour le vicaire général, deux pour le doyen, etc…  Rapide et efficace !

                              Passage ensuite au parc des Thermes. Les belles années de Barbazan se sont écrites ici : les vertus de cette eau curative étaient appréciées des Romains dès la conquête des Gaules, « une eau admirable qui a la propriété de libérer les entrailles » selon le géographe Strabon.  La source n’est véritablement exploitée qu’à partir de 1846 : le premier site offre 8 cabines de bains, 2 buvettes et une galerie d’arcades utilisée comme promenoir. Toute proche, se dresse une imposante chapelle inachevée : en 1885, un prêtre en cure à Barbazan ouvre une souscription pour la bâtir, mais le toit ne sera jamais posé car il meurt avant la fin des travaux et faute de moyens, la chapelle est restée en l’état… Solide et belle, mais inachevée. En 1901, est aménagé dans un parc de 9 hectares l’établissement actuel ; en 1907 un kiosque métallique abrite une mappemonde de cristal d’où jaillit l’eau de la source. Un superbe kiosque Art Déco, refait à l’identique entre 2007 et 2010. Des curistes célèbres se côtoyaient le soir au casino, Bill Coleman, le roi d’Espagne Alphonse XIII, les Frères Jacques, Fernandel, l’écrivain Pierre Benoit, qui y écrivit en 1948 le roman Le Casino de Barbazan…. Les Thermes sont aujourd’hui fermés, mais les lieux entretenus.

                              Retrouvailles entre 12h et 12h30 à Izaourt, où une aire aménagée près de l'église se prête au pique-nique.

               Il est bien joli, le canal du Moulin qui traverse la commune...  

               Près du pont sur l'Ourse descendue de Ferrère qui va se jeter dans la Garonne à Loures-Barousse après 25,4km de cours, a été aménagé en 2018 "le lieu de mémoire" du village. Une petite maison rénovée, toujours ouverte, où sont affichées des cartes postales anciennes autour du " livre des souvenirs", un livre géant dont les pages présentent photos de classe depuis 1939, église, moulins et artisanat d'autrefois, passages du Tour de France, photos de groupe de tous les habitants actuels depuis 2018...  Une belle idée que de rassembler ainsi le passé et le présent du village ! Les habitants d’Izaourt se sont d'ailleurs toujours intéressés à l’Histoire : au XIXe siècle, douze colporteurs Izaourtès, spécialisés en livres et gravures, parcouraient la France entière pour vendre leurs ouvrages !

Imohtep, le scribe des mardis de L'ACCUEIL

Date de dernière mise à jour : 21/01/2024