SOUM DE MONPELAT
Mardi 5 septembre 2023
Du lac d'Orédon au Col d'Estoudou 2260m et au Soum de Monpelat 2474m.
Dénivelé + cumulé bien senti, ad libitum 480/690m 8/9,5km
Grand ciel bleu mais un peu laiteux et doré ce matin, dû sans doute au nuage de sable venu du Sahara qui stationne sur la France cette semaine... Départ du parking du Lac d’Orédon à 9h30, 1854m, mis à mal par la sécheresse et une demande accrue en eau...
C'est le plus ancien barrage pyrénéen, construit entre 1869 et 1884 pour alimenter les 17 rivières (soit 1350 km de cours) des coteaux de Gascogne via le canal de la Neste... Un canal souterrain relie sa retenue à celle du lac de l’Oule, augmentant ainsi la puissance de l'usine hydroélectrique des Echarts à Eget-Cité, un hameau d'Aragnouet quelques km plus bas sur la route de Saint-Lary-Soulan. La SHEM, Société Hydroélectrique du Midi, créée en 1929 pour succéder à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi créée en 1852, produit une électricité dite de pointe ou d'appoint pour faire face aux pics de demande grâce aux réservoirs constitués par ses barrages, soit 9 sites de production dans les Pyrénées.
Montée soutenue jusqu'au col d'Estoudou (400m de dénivelé positif sur même pas 2 km !) dans les pins à crochets qui entrelacent et cramponnent leurs racines tortueuses autour des rochers. D'où leur nom, pense-t-on... Eh bien non ! Ils ne sont pas accrochés mais à crochets, et ce nom est dû à la partie recourbée des écailles supérieures de leurs pignes. Sans doute ces crampons aident-ils les graines à se ficher en terre quand le vent violent des sommets les disperse… Et c’est ici que les pins à crochets battent leur record d’altitude en Europe, 2500m, car le massif du Néouvielle orienté au sud bénéficie d’un microclimat.
11h10 au col d'Estoudou, un large replat herbeux et un beau belvédère sur Orédon révélé dans toute son étendue et le massif du Néouvielle.
Bel endroit pour le pique-nique ! Certains décident de s'y arrêter et d'attendre là ceux qui attaquent en aller/retour l'arête rébarbative du Monpelat, 210m de très rude pujade en lacets serrés et caillouteux (200m de dénivelé positif sur 0,7km à peine !) Une bonne suée donc et à midi, voilà le cairn du Monpelat, 2774m.
Le panorama est somptueux : à nos pieds, au nord, les lacs du Cascaret et d’Anglade et plus loin, le Lac Supérieur d’Estibère, le Pic du Midi qui pointe son antenne ; à l’ouest, la Hourquette d’Aubert, le Néouvielle, le bleu des lacs d’Aumar et Aubert, le vert des trois Laquettes et d’Orédon, le barrage de Cap de Long ; au sud, les pics qui dominent Piau-Engaly ; à l’est, le lac de L’Oule (quasiment vidé de ses eaux pour travaux sur le barrage), le Lac Inférieur des Bastan et le refuge. Un festival de lacs dans un écrin de pics !
Pique-nique donc à Estoudou vers 12h45. Et retour en boucle une heure après, direction le lac d'Aumar, 2198m, à l’ombre des pins à crochets qui offrent de belles trouées sur le Lac d’Orédon. Et voilà que la sente descend, remonte, redescend et remonte (d'où le cumul...) jusqu'à la rive est du lac, où se mire le pic de Néouvielle.
Il est 15h30. Chacun à son compte ! Exclue la descente en longeant les lacs d'Aumar, d'Aubert et les Laquettes, pourtant si beaux... Trop long. Ce sera la navette ou la route à pied pour les plus courageux ! Et pot bien mérité au refuge d'Orédon vers 16h30.
Et quelques mots pour finir sur ces lacs et barrages : comment imaginer que les eaux de Cap de Long, Aumar et Aubert ne filent pas vers la vallée d’Aure comme celles des lacs d'Orédon et de l'Oule mais vers la vallée de Gavarnie ? Elles alimentent la centrale hydroélectrique de Pragnères, près de Gèdre, après avoir traversé la montagne à plus de 2000m d’altitude dans des galeries ! Mise en service en 1954, c’est la plus complexe et la plus puissante centrale des Pyrénées : les prises d'eau, au nombre d'une quarantaine, recueillent les eaux des massifs du Néouvielle, du Vignemale et de l'Ardiden, avec pour réservoir principal le barrage de Cap-de-Long et trois réservoirs annexes, Aumar, Aubert et Eths Coubous… Ce sont les saisons qui déterminent le fonctionnement de la centrale : en hiver, les torrents sont gelés, l'eau fait défaut : elle est prélevée sur le réservoir de Cap de Long. Au printemps, à la fonte des neiges, elle est en excès : on la remonte alors sur Aumar et Cap de Long par une station de pompage ! Une prouesse technique réalisée entre 1947 et 1953, un chantier d’altitude titanesque, à coups de pioche et de dynamite, à dos de mules l’été, en téléphérique l’hiver, 33 km de pistes d’accès escarpées, dont l’actuelle route qui monte à Cap-de-Long…
Hommage final à Aristide Bergès, le " Père de la Houille Blanche ", l'ingénieur ariégeois dont nous avons visité un jour le musée et l’usine de pâte à papier paternelle à Saint-Girons après une randonnée. En 1869, en Isère où se situe sa papeterie, il met au point la technique des conduites forcées et utilise l'énergie hydraulique pour faire tourner ses machines et produire du courant électrique. L’Union des papetiers, dont il a révolutionné la profession, lui a bâti en 1904 un tombeau au cimetière de Terre Cabade à Toulouse (dont était originaire son épouse), une sorte de temple grec, énorme et inattendu, hélas noirci par les ans quand nous avons parcouru avec un guide passionnant, en 2017, ce cimetière où reposent des personnalités locales qui ont fait l'histoire de la Ville Rose et parfois de la France …
IMHOTEP, le scribe des mardis de L’Accueil.
