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PIC DE PALOUMERE
Mardi 21 janvier 2025
PIC DE PALOUMERE (dit aussi Pic de l'Aube) 1608m. Dénivelé + 540m 6,4km A/R
9h5, départ du col du Portet d’Aspet, 1070m : la colonne s’ébranle sur une sente pentue bientôt bordée de buis qui grimpe ensuite dans la forêt où les hêtres dénudés laissent jouer le soleil : elle est belle, la haute futaie qui lance sur le bleu vif du ciel les colonnes gris perle de ses troncs ! Une bonne heure de montée soutenue et la voici qui s’ouvre enfin sur des pelouses tout aussi pentues au pied du col des Passagers, 1478m, ainsi appelé en souvenir de tous ceux qui l’empruntèrent pour fuir le nazisme. Un bon quart d'heure de grimpette encore dans l'herbe rase où traînent quelques plaques de neige, et le plus dur est fait : 400m de dénivelé sur à peine 1,8 kilomètre : la pente était donc assez raide ! "C'est bizarre, je ne comprends pas, la montagne a changé, avant c'était moins raide" disait l'ami Silvio en prenant de l'âge,...
Souvenir d'un jour de juillet 2018 à ce même col : deux patous patibulaires montaient la garde sur la crête près des brebis couchées à l'ombre… Efficaces dans leur boulot de dissuasion ! On tente de passer en contrebas, mais pas fous, ils nous suivent d’en haut, on ne pourra pas rejoindre la crête, passage obligé…. « Je suis un Montagne Pyrénées, un patou. Mon rôle est de repousser toute présence étrangère aux bêtes que je protège. » disait le panneau du parking. Les randonneurs étant sur la liste des intrus, il faut renoncer au pic de Paloumère et partir à l'est vers Cournudère. Moralité: ne pas monter à Paloumère l'été, quand les troupeaux sont en estives !
10h45 au col des Passagers, très belle vue déjà. La voie est libre aujourd'hui vers l'ouest, sur la crête boisée qui file paisiblement ; juste un ergot rocheux, mais sans danger, à gravir en s'aidant des mains. Paloumère est là-bas au nord, encore assez loin ma foi, avec une courte descente où la neige s'est maintenue et une remontée plus tranquille en pelouse jusqu'au pic, 1608m.
12h30, pique-nique sur ce belvédère somptueux, plaine au nord et sommets des Pyrénées centrales au sud : d’est en ouest, pic des Trois Seigneurs, Valier, Maubermé, Calabasse, Crabère, Puech, Maladetta et Vénasque, Mourtis et Escalette, Cagire et Gar, Pic du Midi, col d’Aspin, Plo del Naou et Arbizon.
13h, descente car il fait frisquet et le ciel se met à grisonner. L'hiver se prête peu au farniente ! 15h40, parking. Et en route pour le pot à Aspet !
Un peu d'Histoire pour finir, à propos du col des Passagers. Pas loin de notre parking, près d'une grange, se dresse une stèle de granit où l'on peut lire: " la cabane des évadés. Hommage aux passeurs français qui ont guidé de nombreux évadés de toutes nationalités par les montagnes vers la liberté ultime. A ces évadés de guerre qui furent arrêtés et déportés le 6 février 1944. A ceux qui ne sont jamais revenus." Deux passeurs, Henri Marot dit Mireille et Pierre Treillet dit Palo formaient une équipe très sûre qui permit à de très nombreux fugitifs d'échapper aux Nazis. Le premier est décédé en 1944 à la Libération dans des circonstances troubles, le second en 2005.
Le trajet habituel était le suivant : arrivée des "Passagers" gare Matabiau à Toulouse, prise en charge par "le Réseau Françoise", hébergement ponctuel chez l'habitant, souvent chez Mireille et Palo ; départ en train pour Cazères, planque si besoin dans la maison de famille de l'épouse de Palo, autobus ensuite jusqu'à Mane ; de là on rejoignait à pied Arbas, Labaderque, le col du Portet d'Aspet, Couledoux, le col d'Artigascou, le vallon de Melles, et enfin Canejan en Espagne. Une longue marche éprouvante d'au moins trois jours dans le meilleur des cas, effectuée en toutes saisons et par n'importe quel temps sauf en cas de neige trop profonde, la plus grande partie du trajet se faisant de nuit pour des raisons de sécurité.
La mission consistait à faire passer généralement des militaires, en particulier des pilotes abattus par la DCA allemande qui voulaient rejoindre les Forces Alliées, des groupes de 10 à 20 personnes, parfois plus, Anglais, Hollandais, Américains, Belges, Australiens... Une connaissance parfaite des lieux, des circuits et des habitudes des patrouilles allemandes, et la collaboration des habitants étaient indispensables au succès de ces missions périlleuses.
Près de 50 ans plus tard, le 5 juin 1994, les époux Treillet reçurent un coup de téléphone d'un certain Rudy Zeeman, un ancien militaire hollandais domicilié en Tasmanie, une île australienne : il était revenu en Europe pour revoir son passeur et les lieux de son évasion réussie du 25 janvier 1944 et il appelait depuis... Saint-Girons où il séjournait avec son épouse ! Un an après le décès de Palo en mai 2006, Rudy envoya à sa veuve un opuscule où il relatait les événements liés à cette époque et une peinture à l'huile représentant la montée dans la neige des 6 fugitifs et de leurs deux passeurs.
S'ils durent parfois rebrousser chemin pour échapper aux patrouilles, ils ne connurent qu'un échec, le 6 février 1944. Le groupe avait fait halte dans la grange du col de Portet d'Aspet et fut repéré. Epuisés, certains préférèrent se laisser prendre, pensant que la fin des hostilités était proche et que le statut de prisonniers de guerre les protègerait. Ils furent tous déportés... Les douze autres évadés suivirent les deux passeurs qui les ramenèrent en lieu sûr et quelques jours plus tard en Espagne ; deux Hollandais tentèrent leur va-tout en continuant seuls mais se perdirent dans la montagne enneigée. Ils se retrouvèrent par chance au hameau d'Autrech où ils furent cachés par la famille Ribis et l'un d'eux qui souffrait de gelures fut amputé clandestinement de quelques phalanges à l'hôpital de Saint-Girons.
Ces hommes incarnent une certaine idée de l'Homme et de la Liberté...
Imohtep, le scribe des Mardis de L'ACCUEIL
Date de dernière mise à jour : 26/01/2025